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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/191

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miné, de communistes joints aux grévistes. Mais ce qui la surprenait et l’intriguait, c’était que ce fût si différent de l’idée qu’elle s’était faite d’une révolution. Elle avait vu des films puérils et des mélodrames sur la Révolution française ; elle imaginait qu’un soulèvement populaire est forcément le déchaînement de démons demi-nus et hurlants. Ce qu’elle avait maintenant en face d’elle lui avait été présenté par certains journalistes à gages comme un complot de brigands sanguinaires contre Dieu et la Primrose-League, et par d’autres comme un malentendu banal quoique regrettable, qui serait bientôt aplani par la sympathique intervention du sous-secrétaire d’État au Ministère du Capital. Elle avait entendu parler toute sa vie de politique, sans s’y intéresser jamais ; le Premier Ministre et le Parlement, le Foreign Office et le Board of Trade, et autres choses fastidieuses — c’était là la politique, et tout le reste était la révolution. Seulement, à mesure qu’elle passait de groupe en groupe dans la rue, puis sous le péristyle des édifices publics, une vérité toute différente se faisait jour en elle.

Là, il y avait un Premier Ministre dont elle n’avait jamais entendu parler, et qui était cependant un homme qu’elle connaissait. Il y avait un Parlement dont elle n’avait jamais entendu parler, et cet homme venait de le soulever par un discours que l’histoire ne rapporterait jamais. Il y avait un Board of Trade dont elle n’avait jamais entendu parler, un Conseil qui se réunissait pour de bon et qui avait son mot à dire sur le commerce. Il y avait des Ministères, entièrement étrangers et même opposés au gouvernement. 11 y avait une bureaucratie, une hiérarchie, une armée. Cette organisation avait ses qualités et ses défauts, mais elle ne ressemblait en rien à l’effroya-