Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/22

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Braintree le regardait toujours.

— Il y a un homme dans la pièce à côté, dit-il ; il y a un homme dans le couloir, il y a un homme dans le jardin, il y a un homme à la porte d’entrée, il y a un homme dans les écuries, il y a un homme à la cuisine, il y a un homme à la cave. Quel palais de mensonge vous êtes-vous donc bâti à vous-mêmes pour que vous voyiez tous ces gens autour de vous tous les jours et que vous ne sachiez même plus que ce sont des hommes ? Pourquoi nous faisons grève ? Parce que, quand nous ne faisons pas grève, vous oubliez jusqu’à notre existence ! Dites à vos domestiques de vous servir, mais moi, pourquoi le ferais-je ?

Il sortit dans le jardin et s’éloigna à pas furieux.

— Eh bien, dit Archer après un silence, je dois avouer que votre ami m’est réellement insupportable !

Murrel se recula de sa toile et pencha la tête avec une attitude de connaisseur.

— Moi, je trouve son idée sur les domestiques épatante, observa-t-il placidement. Ne pouvez-vous pas vous figurer le vieux Perkins en Troubadour ? Vous connaissez bien le maître d’hôtel, n’est-ce pas ? Lui ou l’un de ces valets de pied troubadoureraient aussi bien qu’autre chose !

— Ne dites pas de bêtises, dit Archer irrité. C’est un petit rôle, mais il y a bien des jeux de scène à faire. Voyons, il faut qu’il baise la main de la Princesse !

— Le maître d’hôtel ferait cela comme un amour, mais peut-être devrons-nous chercher plus bas dans la hiérarchie… S’il ne veut pas, je demanderai aux valets de pied, et s’ils ne veulent pas, je demanderai au groom, et s’il ne veut pas, je demanderai au garçon d’écurie, et s’il ne veut pas, je demanderai au garçon d’office, et s’il ne veut pas, je demanderai à n’importe