Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/86

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— Alors, nous n’avons plus qu’à tout laisser tomber.

Il y eut un silence, et ils restèrent debout à se regarder. Puis, simultanément, tous tournèrent la tête et regardèrent vers le fond de la longue salle, où une voix nouvelle venait de s’élever.

Olive Ashley s’était soudain dressée et tournée vers eux. Ils furent un peu saisis, car ils n’avaient pas même conscience qu’elle les eût écoutés.

— Il faut tout laisser tomber, dit Olive, à moins que vous n’obteniez de M. Herne qu’il joue lui-même le Roi. Il est le seul qui sache de quoi il s’agit et que cela intéresse.

— Dieu me bénisse ! fut le commentaire secourable de M. Herne.

— Je ne sais pas ce que vous pensez tous de ma pièce, continua Olive avec amertume. Vous en avez fait une espèce d’opéra, un opéra-comique ! Évidemment, je n’y entends rien, du moins en comparaison de M. Herne, mais pourtant j’y avais mis quelque chose. Oh ! je ne sais comment me faire comprendre… Je ne sais pas quel est le Roi qui devrait revenir, le roi Arthur, le roi Richard ou le roi Charles, mais M. Herne sait au moins ce que ces gens entendaient par un Roi. Je voudrais presque que M. Herne fût réellement Roi d’Angleterre.

Julian Archer rejeta la tête en arrière et s’esclaffa d’un air ravi. Ce rire était semblable aux moqueries acérées par lesquelles les hommes ont de tout temps accueilli les prophéties.

— Mais voyons, protesta Rosamund, même en supposant que M. Herne puisse jouer le Roi, qui donc alors prendra son rôle ? Il nous a déjà donné tant de soucis.

Olive Ashley tourna le dos une fois de plus et fit semblant de ranger ses couleurs.