pour se répartir entre les hommes et subvenir à leurs besoins, soit de plus en plus grande ; car si le progrès social consiste en ce que la société soit plus éclairée et possède une notion plus élevée et plus étendue de la morale, c’est un autre aspect nécessaire de ce progrès, qu’en masse la société ait plus de bien-être, et par conséquent, à chaque instant, la jouissance d’une plus grande quantité de produits. Or, c’est un fait constant, la grandeur de la production de la richesse est en proportion de l’excitation donnée à l’effort de chacun par l’intérêt personnel. Voilà comment le ressort de la personnalité a dû, pour le progrès même du genre humain, être appliqué de plus en plus à la production de la richesse. Et ceci vous explique, d’un mot, comment la législation de l’Europe s’est conformée à l’esprit du progrès, quand elle a livré l’industrie au principe de la concurrence, appel énergique au sentiment individuel.
Mais, reprennent nos adversaires, l’intérêt personnel est le proche parent de l’égoïsme ; mais il peut devenir cupide ; mais la concurrence peut dégénérer en une guerre d’une avidité impitoyable et ignominieuse.
Ceux qui s’expriment ainsi ne remarquent pas qu’ils font le procès à la liberté humaine elle-même, et que ce qui serait détruit, s’ils avaient raison, ce n’est point l’économie politique, c’est le libre arbitre du genre humain. Sur la pente de l’intérêt personnel, l’homme peut être entraîné à des abus : qui est-ce qui le nie ? Mais faut-il pour cela supprimer l’intérêt personnel ? Et quelle est donc celle de ses facultés ; dont l’homme ne peut abuser ? Je dirai plus : quelle est la vertu dont à force de l’exagérer, ou en l’isolant, ou en l’appliquant à rebours de la justice et du bon sens, on ne puisse faire sortir un crime ? L’homme est un être libre : voilà pourquoi l’abus de toute chose lui est possible, et tout écart de la ligne droite facile, s’il le veut. Vous ne supprimerez ab-