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— Qui est-ce ? dit-il. Cet homme a une mine qui ne me revient pas ; je lui ferais volontiers prendre un bain dans le lac.

— Il n’a pas l’air bien dangereux, capitaine, répondit Chris. On dirait que, pour la première fois, il a perdu de vue les établissements civilisés. Je gage que c’est quelque pauvre diable de moine égaré par accident.

— Nous allons voir, reprit Mark, mettant pied à terre, la carabine à la main et marchant vers l’étranger :

— Qui êtes-vous ? lui demanda-t-il d’un ton impérieux ; que faites-vous ici ? que voulez-vous ?

L’inconnu fit le signe de la croix et dit :

— La paix soit avec toi, mon fils !

— Ah diable ! vous êtes ecclésiastique. Singulière place que celle-ci pour un prêtre !

— Partout on peut adorer le Seigneur, répliqua dévotement l’autre en se découvrant.

Mark remarqua aussitôt qu’il était tonsuré.

— Mauvaise place pour les têtes chauves ! reprit-il.

— Daigne, mon fils, témoigner plus de respect à ma profession.

— Je respecte peu l’habit, répliqua Mark en haussant les épaules.

— Cela ne te fait point honneur, car tous les gens civilisés ont de la déférence pour l’état religieux. J’ai toujours remarqué que ce sont les plus braves et les meilleurs qui ont le plus de vénération pour mon caractère comme serviteur du Très-Haut.

Le prêtre se signa de nouveau et récita pieusement Gloria tibi, Domine !

— Vous pouvez bien être ce que vous paraissez ; mais avant que je vous accepte pour ce que vous prétendez être, il faut que je sache pourquoi vous êtes ici.

— Mon fils, je suis un humble missionnaire de la croix parmi les tribus indiennes, quoique mes travaux aient été bornés en grande partie à ce peuple inoffensif que l’on appelle les Criks.

— C’est très-bien jusque-là ; mais ça ne répond pas à ma question ; ça n’explique point pourquoi vous êtes si éloigné du champ de vos travaux, répondit Mark attachant sur le prêtre un regard scrutateur.

— L’explication est facile, j’ai quitté le pays des Criks depuis plusieurs jours, en compagnie d’un chef converti et de sa fille. Il y