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CHAPITRE XXIII

Pauvre Sylveen


Nous avons laissé Sylveen Vander dans une position fort pénible et fort embarrassante. Non-seulement elle souffrait vivement de l’incertitude où elle était sur le sort de son père et de ses amis, mais le danger qu’elle courait augmentait considérablement sa détresse. Elle connaissait Mark Morrow depuis l’enfance ; mais alors, pour la première fois, elle comprenait le caractère de cet homme. Si, jusque-là, Sylveen avait pensé qu’il avait peu de respect pour les obligations morales, elle ne s’était pas figuré qu’il pouvait être un misérable vaurien, capable de méditer les plus noirs projets et de les exécuter avec une inébranlable fermeté. Elle l’avait soupçonné de méchanceté, avait fui sa société, comme la vertu fuit le vice ; mais il lui fallait la cruelle expérience de ces derniers jours, pour le voir à nu dans toute sa laideur.

Nous n’essayerons pas de décrire la première entrevue de Mark avec la fille du guide. Il se montra passionné jusqu’à l’emportement. Changeant ensuite de tactique, il tâcha de gagner par la douceur ce qu’il n’avait pu emporter par la violence. Il déploya tous les pouvoirs de l’éloquence pour la séduire. Ce fut en vain. Ses paroles n’eurent aucun écho dans le cœur de Sylveen. Elle avait courageusement affronté ses attaques, elle rejeta dédaigneusement ses supplications. Repoussé, Mark devint plus menaçant. Il déclara à sa victime qu’il la soumettrait à une discipline qui briserait sa volonté, réduirait son