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sa tête, de son col délicieusement posé sur un buste adorable, et de ses pieds et de ses mains, dont le galbe délicat eût séduit les plus grandes dames.

Sylveen Valider avait la bouche mignonne, les dents blanches comme l’ivoire, les joues roses sous une légère nuance olivâtre qui en rehaussait l’éclat, les yeux vifs, perçants, le nez modelé avec amour, une fossette au menton ; le tout était encadré par une chevelure, dont les boucles folâtres ondoyaient sur ses épaules. Accoudée près du guide, elle formait avec lui un contraste frappant. Ici régnaient la sensibilité, la douceur, la beauté dans toute leur richesse. Là c’était la force, la rudesse, l’énergie dans toute leur puissance.

— Tu vois, petite, que je mets tout en ordre pour partir encore. Il ne faut pas que le vieux Saül reste longtemps oisif ; il se rouillerait bien vite, dit le guide, en suspendant son travail et regardant tendrement sa fille.

— Savez-vous à quoi je pensais, mon père ? demanda Sylveen avec un peu d’hésitation.

— Eh ! comment pourrai-je savoir ce qui se passe à travers cette petite tête-là dans le courant d’une journée ou d’une minute quelque caprice qui n’a peut-être pas le sens commun, hein ?

— Je me suis déterminée à suivre la brigade, dit Sylveen, se redressant en croisant les bras sur sa poitrine et battant le sol de son pied.

Le vieux Saül le guide laissa tomber la platine de sa carabine, qu’il astiquait vigoureusement avec un morceau de peau de daim, et, jetant un coup d’œil sur la belle enfant, partit d’un long et bruyant éclat de rire.

Elle supporta cette joyeuse moquerie de l’air le plus calme et le plus tranquille qu’il soit possible d’imaginer.

— Quand vous aurez assez ri, Saül Vander, dit-elle enfin, nous recommencerons et verrons si nous pouvons nous accorder. J’ai fait une remarque, il me semble.

— Oui, ma chère fille, tu as certainement fait une remarque, répliqua le guide en haussant les épaules.

— Je veux aller avec la brigade, reprit Sylveen d’un ton mutin.

Vander fronça légèrement les sourcils ; mais ses yeux rencontrant ceux de Sylveen, il sourit.