Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 285 —

cette carabine à votre main et ce formidable déploiement d’armes à votre ceinture.

— Ça signifie que je m’en vas, répliqua simplement Nick.

— Où ? s’écria Kenneth surpris.

— À la recherche de Bouton-de-rose, pardieu !

— Mais nous étions convenus de ne nous mettre en route que demain, et je me flattais que vous viendriez avec nous repartit Iverson, un peu mécontent.

— Que voulez-vous, je suis un homme étrange. Je n’ai jamais fait comme les autres. Je me suis mis en tête d’essayer ma main à moi tout seul et je l’essayerai, oui bien, je le jure, votre serviteur ! J’irai donc de mon côté et ferai de mon mieux, tandis que vous et Saül vous pourrez chasser ensemble si ça vous fait plaisir. C’est un vieux dur à cuire. Il peut, s’il le veut, aller jusqu’au bout du globe, sans autre carte ou boussole qua l’instinct que la nature lui a donné.

— Quel chemin prendrez-vous ?

— Ma foi, je ne sais pas. Je ne pourrai le dire que quand j’aurai perdu de vue les habitations humaines. Impossible à moi de former un plan tant qu’il y a un établissement à dix milles de Humbug, ma carabine, vous savez ? Pour arrêter mes idées, il me faut l’inspiration des grandes et solitaires prairies. Dans une place comme celle-ci, je ne suis plus Nick Whiffles. Il faut que je voie la trace du bison, la piste de l’Indien, la route du trappeur, le village du castor. Ça me rend heureux. Puis quand je suis couché, le soir, j’aime à m’endormir à la musique du loup, du hibou et du chat sauvage.

— Oui, je comprends, dit Kenneth dont les traits réfléchissaient l’admiration que lui inspirait l’éloquence familière de Nick.

— Vous comprenez toujours. Il y a quelque chose d’étrange chez vous autres qui avez lu tant de livres. D’ailleurs, vous êtes un garçon extraordinaire. Vous avez l’air de lire dedans Nick Whiffles comme dans la Bible. Il y a diantrement du bon dans votre esprit. Calamité le pense aussi, n’est-ce pas, mon chien ? Ah ! remarquez ce clignement de son œil, ce joli mouvement de sa tête. Il répond que oui, voyez-vous ; mais dans sa langue. On se connaît, lui et moi, dame, oui.

— Qui en doute ? Mais partez-vous à pied ?