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prussique pour relever le goût… Puis, il y avait mon cheval ; un cheval sellé qui portait la liqueur. Dieu sait où est la pauvre bête maintenant ! Les maudits l’auront mangé, c’est sûr. Peut-être aussi erre-t-il, désolé, quelque part. En allant avec vous, j’aurais une chance de le rencontrer. Mais vous le reconnaîtrez. Il a une marque sur le dos ; d’un côté un baril peint en rouge et de l’autre un Indien ivre.

— Je serais heureux de vous aider à échapper au bonheur conjugal, mais il faut que j’en cause avec Saül Vander et Abram Hammet, répliqua Kenneth, désirant se débarrasser des importunités de Stout.

— J’ai vu monsieur le quaker et je n’ai rien pu en obtenir de satisfaisant. Il m’a répondu qu’il n’avait besoin de personne avec lui, et qu’il partait seul.

— Seul !

— C’est ce qu’il a dit avec un tas de bêtises à propos de la paix et de l’effusion du sang. Ainsi vous voyez que vous ne pouvez le compter parmi les vôtres et ferez aussi bien de me prendre. Donnez-moi des armes et je me battrai aussi bien que le meilleur de vous, surtout s’il s’agit de défendre ma propriété. Avec Perscilla Jane à l’arrière, et les venimeux serpents a l’avant, je ne reculerai pas, vous pouvez en être certain. Je me précipiterais plutôt sur les baïonnettes de l’ennemi que de battre en retraite contre la pointe de la langue de ma Perscilla.

— C’est bien, j’en dirai un mot à Saül.

Ne désirant pas prolonger la conversation, Kenneth souhaita le bonsoir à Goliath et marcha sur le bord de la rivière. Il avait fait quelques pas, quand le marchand de whiskey l’appela :

— Hé, monsieur ! Est-ce que vous aurez objection à ce que j’emmène un cheval avec quelques gallons de ce breuvage ? Il y aurait de fameuses affaires à faire, j’imagine, et il est de notre devoir de paver la route pour les missionnaires, vous savez. Il n’y a rien comme le whiskey pour civiliser ces venimeux serpents.

Kenneth reprit sa promenade, sans se donner la peine de répondre à cette très-raisonnable suggestion.