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— C’est inutile, prenez. Notre destinée est aux mains du hasard.

Ils s’étaient rapprochés désarmes. Mark se baissa et saisit convulsivement un pistolet. Kenneth prit l’autre en disant :

— Nick comptera jusqu’à trois, et au nombre trois, feu !

Morrow n’opposa aucune objection. Il tremblait visiblement. Une légère pâleur s’épandait sur le visage d’Iverson.

Ils se mirent en position face à face, le corps droit, le bras demi tendu, le pistolet à deux pouces au plus du cœur.

Nick Whiffles compta, suivant qu’il avait été convenu. Sa voix était émue.

Au moment où il disait trois, une faible détonation retentit

Kenneth tressaillit et Morrow recula d’un pas.

Il y eut une seconde de poignante anxiété. Les joues de Mark blêmissaient à vue d’œil ; celles de Kenneth se coloraient.

— La fortune vous a trahi, monsieur, dit ce dernier ; voulez-vous reconnaître vos torts ?

Mark ne fit pas de réponse. Ses dents cliquetaient ; un frisson nerveux agitait ses membres.

— Voulez-vous reconnaître vos torts ? réitéra Iverson, relevant son pistolet à la hauteur de la poitrine du capitaine.

— Mes torts ! allons donc, jeune homme ! essaya Mark en grimaçant un sourire sardonique.

Son regard implorait l’aide de Chris ; mais Nick Whiffles le tenait à l’œil.

— Préparez-vous donc à mourir ! dit Kenneth d’un accent triste quoique vibrant.

De grosses gouttes de sueur perlèrent au front de Morrow. Sa dernière heure allait sonner ; mais à ce moment, à ce moment suprême, un coup sec fit tomber le pistolet de Kenneth, en même temps qu’une voix grave et douce disait :

— Homicide point ne sera, de fait ni de consentement.

Le jeune homme surpris se retourna.

Sylveen Vander était devant lui.

Profitant de l’étonnement où cet incident plongea Kenneth, Mark Morrow s’enfuit accompagné de ses deux séides.

Nous n’avons pas besoin d’ajouter qu’Iverson ne songea point à poursuivre ces misérables.