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CHAPITRE VI

Un terrible dilemme


L’esprit humain ne cède jamais, sans lutte, à la pression de circonstances fâcheuses. Il résiste naturellement à la contrainte sous quelque forme qu’elle se présente, et quand il est privé de ce qui lui appartient de droit, il fait un appel à ses forces pour regagner ses priviléges.

Un jeune homme d’un esprit aussi ferme que Kenneth Iverson ne pouvait se soumettre passivement à la violence qu’on lui avait faite. Aussi, songeait-il à tirer parti de l’orgie des Voyageurs. Il avait vu avec plaisir leurs fréquentes caresses à la bouteille, craignant seulement qu’ils fussent de taille à résister aux libérales rasades qu’ils absorbaient. Par bonheur, ses mains étaient libres. Une vieille claymore écossaise, toute rouillée, pendait à la muraille, non loin de lui. Que Kenneth pût s’en emparer et il en ferait bon usage ! L’idée de la négresse de placer les deux ivrognes, en travers de la seule issue qu’eût la grotte, lui sourit médiocrement ; mais, comme il savait faire contre fortune bon cœur, il attendit en silence.

Après avoir couché ses hommes, Hagar poussa un billot de bois près d’Iverson et s’assit, les coudes sur les genoux et le menton dans la paume des mains. Elle ressemblait ainsi à un énorme crapaud perché sur un caillou.

Kenneth, qui la considérait attentivement, se rappela qu’il avait