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— Une seule personne m’aime, fit-il, c’est ma mère, et ma mère pleure Nar-go-tou-ké !

— Mais moi ! s’écria Léonie, avec un accent intraduisible, et en levant sur le Petit-Aigle ses beaux yeux gonfiés par les larmes ; moi ! est-ce que je ne vous aime pas ! ne le savez-vous pas, Paul ? Dois-je vous le dire ? Est-il un moyen de vous le prouver ? dites ; parlez ! je vous suis où vous voudrez ; je serai votre femme, votre servante, ce qu’il vous plaira… je vous aime…

Suffoquée par l’émotion, Léonie jeta ses bras à l’Iroquois, avec un geste passionné.

Co-lo-mo-o hésita. Une lueur, fugitive comme l’éclair, colora son visage bronzé ; telles qu’un diamant frappé par un rayon de lumière, ses prunelles étincelèrent aux regards brûlants de la jeune fille ; elle crut qu’ivre d’amour, il allait l’attirer, la presser sur son sein, l’inonder de caresses ; un frisson voluptueux agita son corps ; et, confuse, palpitante, elle ferma les paupières.

Quand elle les releva, une seconde après, le Petit-Aigle n’avait pas fait un mouvement.

Mais sa figure était sereine, impassible.

— Peau-Blanche et Peau-Rouge n’ont point été créés l’un pour l’autre, dit-il avec calme, en revenant à sa phraséologie indienne ; si ma sœur l’oublie, Co-lo-mo-o ne l’oublie point. Leurs sangs ne peuvent s’allier. Jamais celui du dernier des Iroquois ne se souillera à celui des Visages-Pâles. Adieu !