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FRÉDÉRIKA BREMER

pent et de bas-reliefs mythologiques. Enfin la pyramide est couronnée par une boule dorée de grande dimension. »

Depuis le voyage de Mme de Bourboulon, ces étranges sépultures ont été visitées plus en détail, et on a découvert dans la montagne treize monuments analogues.

Les voyageurs durent, pour continuer leur route, renoncer aux chevaux anglais et prendre les affreux chevaux chinois du service postal, plus capables de supporter la fatigue et de franchir les passages périlleux. Après deux pénibles journées employées à traverser gorges étroites, torrents et plaines, où le vent balayait d’aveuglants tourbillons de sable, ils atteignirent la mission lazariste de Suan-Hoa-Fou. En entrant dans la ville, une immense multitude silencieuse et polie, mais fort gênante, les enveloppa. « Tous les yeux se détournent et tout le monde recule si l’un de nous dirige ses regards de leur côté ; mais cet empressement forcené ne laisse pourtant pas de devenir très incommode, et nous nous passerions bien des vingt mille curieux qui nous accompagnent partout. Nous nous sommes arrêtés devant le grand portail de la mission, au-dessus duquel figure seulement depuis quelques jours la croix, ce noble insigne de la civilisation latine ; c’est le drapeau de l’humanité, des idées généreuses et de l’affranchissement universel, placé en Orient sous la protection de la France. »

Les lazaristes étaient installés, depuis les nouvelles lois, dans un immense bâtiment que le gouvernement leur avait concédé ; ils étaient heureux de témoigner leur reconnaissance à l’ambassadeur. Un repas à l’européenne fut servi dans la grande salle de réception, et les pères s’empressèrent de faire à leurs hôtes les honneurs de leur maison. Il fallut quitter cette bonne hospitalité pour se remettre en route ; le 23, les voyageurs arrivaient à Kalgan, où ils trouvèrent M. et Mme de Baluseck ; cette dernière devait, comme on le sait, se joindre à eux. Les représentants de trois grandes puissances européennes se trouvaient ainsi réunis dans cette ville lointaine et inconnue à l’Europe.

Kalgan, frontière de la Mongolie, est moins bien bâtie que les cités impériales ; c’est un centre commercial, où l’on trouve un grand nombre de bazars ; la foule y est considérable ; les piétons se suivent à la file, le long des maisons, abandonnant les chaussées aux chariots, aux chameaux et aux mulets. « J’ai été frappée, écrit Mme de Bourboulon, de l’immense variété des costumes résultant de la présence