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MADEMOISELLE ALEXINA TINNÉ

Européens et de quarante-sept Arabes, tous bien armés. Le 27 janvier 1869, elle partait de Tripoli et arrivait le 1er mars à Sokna, dans le Fezzan. Là elle s’assura de l’appui d’un chef touareg, Ik-un-Ken, auquel on l’avait recommandée, et obtint qu’il l’accompagnerait jusqu’à l’oasis de Ghat. Au dernier moment, il ne put tenir sa parole, et Alexina accepta malheureusement les offres d’assistance de deux autres chefs, qui se dirent envoyés par lui. On a su depuis que cette affirmation était fausse et avait pour but, ce qui arriva, d’entretenir Mlle Tinné dans une sécurité trompeuse.

Quelques jours après son départ de Sokna, ces deux hommes, qui entendus pour assassiner la trop confiante voyageuse et se partager ses dépouilles, soulevèrent une querelle parmi les conducteurs de chameaux. Mlle Tinné sortait de sa tente pour s’informer de la cause de ce tumulte, quand l’un des deux traîtres lui tira presque à bout portant un coup de carabine. Les Européens de sa suite furent tous massacrés, et pas un de ses serviteurs indigènes ne vint au secours de la malheureuse femme, qui languit vingt-quatre heures à l’endroit où elle était tombée, luttant avec les tortures d’une affreuse agonie avant que la mort y mît fin. Ses infâmes meurtriers n’échappèrent pas à la punition de leur crime ; ils furent plus tard arrêtés, ramenés à Tripoli et condamnés à un emprisonnement perpétuel.

Ainsi devait se terminer la carrière d’Alexina Tinné, qui n’avait tenu qu’imparfaitement les grandes promesses de son début. Il est difficile de se montrer sévère envers elle en pensant à sa terrible fin ; seulement on peut regretter qu’en voulant trop entreprendre elle se soit laissé plutôt guider par l’ambition que par un sincère désir d’être utile à ses semblables.