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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

bientôt occupé à réparer les dégâts, et le pont et les gréements du Sunbeam étaient très pittoresques avec ces groupes d’hommes travaillant au milieu des cordages, des mâts et des voiles. Vers le soir, la brise faiblit, et nous dûmes marcher à la vapeur. Pour la première fois nous eûmes une nuit vraiment chaude ; les étoiles brillaient ; la mer, qui avait été tout le jour d’un bleu ravissant, se montrait légèrement phosphorescente. »

Le voyage qui commençait de cette manière inquiétante devait être non moins facile qu’agréable, et, s’il eut bon nombre d’incidents intéressants, on ne peut dire qu’il ait été marqué d’aucune aventure extraordinaire. Le Sunbeam, par la voie de Madère et des îles du Cap-Vert, descendit jusqu’à l’équateur et se dirigea vers la côte brésilienne pour aborder à Rio-de-Janeiro. De là il continua sa route vers le sud, longea les côtes de la Patagonie, et, franchissant le détroit de Magellan, remonta jusqu’au grand port du Chili, Valparaiso, d’où il atteignit, en traversant l’océan Pacifique, qui pour lui justifia son nom, le beau groupe des îles de la Société et Taïti, l’Éden des mers du Sud. Les îles Sandwich sont presque à la même distance de l’équateur au nord que les îles de la Société au midi ; lady Brassey y reçut l’accueil le plus hospitalier, et étudia avec intérêt la civilisation naissante d’Hawaï. Le yacht se dirigea ensuite vers le Japon, puis vers Hong-Kong et Penang, par le détroit de Malacca ; Ceylan est à l’autre extrémité du golfe du Bengale. De Ceylan ils remontèrent à Aden, à l’entrée de la mer Rouge, et, enfilant le canal de Suez, le Sunbeam entra dans la Méditerranée, toucha à Malte et à Gibraltar ; puis, se retrouvant dans les eaux connues de l’Atlantique, il aborda à Lisbonne, et enfin reprit la route de la patrie, signalant la première terre anglaise, le Start, le matin du 26 mai 1877. À minuit, les voyageurs arrivaient à Beachy-Head, et pouvaient apercevoir dans le lointain les lumières du port d’Hastings. Ils y débarquèrent le 27, à six heures du matin, et furent chaleureusement accueillis par une foule empressée à leur souhaiter la bienvenue. Battle, la splendide résidence de la famille Brassey, n’est qu’à quinze kilomètres d’Hastings.

Dans un cadre aussi restreint que le nôtre il serait impossible de faire entrer la relation complète d’un voyage qui a embrassé une si grande partie de la surface du globe, et c’est d’autant moins nécessaire, que le charmant livre de lady Brassey est maintenant presque aussi connu en France qu’en Angleterre ; mais nous pouvons nous