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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

apercevoir un chameau à une distance de plus d’une lieue. Mme de Hell nous dit que souvent, alors qu’elle ne voyait qu’un point à l’horizon, ils distinguaient nettement un cavalier armé d’une lance et d’un fusil. Ils ont aussi un talent extraordinaire pour retrouver leur route dans ce désert du steppe, où nul sentier n’est tracé. Ils font ainsi des centaines de kilomètres avec leurs troupeaux, sans jamais dévier de leur route, qui cependant ne leur est indiquée par aucun jalon apparent.

Le costume du peuple n’a rien de très particulier, sauf le bonnet, qui est toujours de drap jaune, doublé de peau d’agneau noir, et semblable pour les deux sexes. Mme de Hell penche à croire qu’ils y attachent quelque idée superstitieuse, par suite des difficultés qu’elle éprouva à s’en procurer un. Ils ont de larges pantalons, et les plus riches portent deux longues tuniques, dont une est attachée autour de la taille ; mais l’habit du vulgaire ne consiste qu’en une veste de peau aux manches étroites. Les hommes se rasent une partie de la tête ; le reste de leurs cheveux est rassemblé de façon à former une queue qui leur pend sur les épaules. Les femmes portent des tresses, seul détail de leur toilette qui la distingue de celle de leurs maris. Les princes ont adopté le costume circassien, ou l’uniforme des cosaques d’Astrakhan, corps auquel plusieurs d’entre eux appartiennent. La chaussure ordinaire consiste en des bottes rouges à talons très élevés, bottes en général trop courtes, les Kalmouks ayant pour les petits pieds la même partialité que les Chinois. Comme ils sont toujours à cheval, ce défaut de leur chaussure n’est pas pour eux un grand inconvénient ; mais, par contre, ils sont très mauvais marcheurs, et fort embarrassés quand ils n’ont pas de monture.

Comme toutes les peuplades pastorales, les Kalmouks mènent une vie très frugale ; ils ont peu de besoins, et leur existence nomade ne favorise pas chez eux le développement du luxe. Ils se nourrissent principalement de lait et de beurre ; le thé est leur breuvage favori. Leurs menus comprennent aussi de la viande, et surtout celle du cheval, qu’ils préfèrent à toute autre ; mais ils ne la mangent pas crue, comme certains écrivains l’ont prétendu. Quant aux céréales, si précieuses aux Européens, ils en connaissent à peine l’usage ; ce n’est qu’à de lointains intervalles que quelques-uns achètent du pain ou des gâteaux d’avoine à leurs voisins russes. Leur manière de préparer le thé ne serait pas de notre goût. Ce thé leur vient de Chine en briques fort dures, composées des feuilles et de la partie la plus grossière de la plante. Après l’avoir fait bouillir pendant un certain temps dans l’eau,