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MADAME HOMMAIRE DE HELL

poses les plus charmantes. « Sous ce rapport, dit Mme de Hell, elle est incontestablement supérieure à tout ce que peut donner l’art parisien le plus achevé. »

Nous avons le récit d’une visite à la famille d’un prince circassien. L’habitation était une misérable hutte de boue, devant laquelle, sur une natte, le prince était assis en tunique de dessous et pieds nus. Il reçut ses visiteurs avec une politesse tout hospitalière, et, envoyant chercher ses plus beaux habits et ses chaussures les plus coûteuses, il commença sa toilette, ceignit ses armes, et les conduisit alors dans l’intérieur de la hutte, aussi nue et dépourvue de tout mobilier que la cabane d’un paysan irlandais : les seuls objets qu’on y voyait étaient une selle, quelques vases de terre ou de bois et un divan recouvert d’une natte de roseaux. Ses hôtes s’étant reposés quelques instants, le prince les présenta à sa femme et à sa fille, qui avaient appris leur arrivée et étaient impatientes de les voir. Ces dames occupaient une hutte particulière, composée, comme l’autre, d’une seule pièce. Elles se levèrent et saluèrent avec beaucoup de grâce ; alors, faisant signe aux visiteurs de s’asseoir, la mère se plaça à la turque sur son divan, tandis que la fille s’appuyait contre celui sur lequel les étrangers avaient pris place. Ils remarquèrent alors avec surprise que le prince n’avait pas franchi le seuil, et se contentait de passer la tête à la porte pour répondre à leurs questions et échanger quelques mots avec sa femme. L’appartement de la princesse était plus élégant que celui de son mari, chose assez peu difficile. Il contenait deux larges divans, dont les coussins de soie étaient égayés de broderies d’or et d’argent, des tapis de fourrures teintes, plusieurs coffres et une très jolie corbeille à ouvrage. Un petit miroir russe et les panoplies d’armes du prince décoraient les murs. Mais le sol n’avait aucun plancher ; les murs étaient revêtus de plâtre, et le jour et l’air n’entraient que par deux petites ouvertures garnies de volets. La princesse, femme de trente-cinq à quarante ans, ne soutenait en aucune façon la renommée de beauté des Circassiennes. Sa toilette avait son cachet sous une pelisse de brocard aux manches courtes et aux coutures galonnées d’or, elle portait une chemise de soie, fort échancrée sur la poitrine, une coiffure de velours garnie d’argent, de belles nattes rassemblées sur le front en forme de cœur, un voile blanc tombant du sommet de la tête et recouvrant la taille, enfin un châle rouge négligemment jeté sur les genoux, et voilà tout. Sa fille était ravissante elle avait une robe blanche serrée autour de la taille par un kazaveck rouge ; ses traits