Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/234

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sent sur le pont du navire. Un bandit d’opéra-comique tombe dans l’entrepont. Je crois rêver, je me frotte les yeux. Mais, bon Dieu, je ne rêvais pas. Cet homme était vêtu de rouge des pieds à la tête et beau comme Apollon. On le nomme le Mangeux-d’Hommes ! Quelle désignation ! Il commande douze bandits, qu’il appelle ses Apôtres, et lui-même s’intitule — le monstre ! — Jésus.

Je n’invente rien. Les Douze-Apôtres existent, par malheur. Et pour repaire ils ont choisi les îles du lac Supérieur qui portent ce nom. Je ne plaisante pas, tout ceci est de l’histoire, de l’histoire contemporaine. Notre équipage fut tué, massacré. Je m’attendais à partager le sort commun, quand il plut au capitaine de me réserver pour… devine ?… lui servir d’ingénieur.

Oui, mon cher, me voici ingénieur en chef d’une troupe de brigands comme il ne s’en voit plus guère que dans les Apennins ou la forêt Noire. Mais ce n’est pas à leur creuser des souterrains qu’ils me destinent, du tout, du tout. Les écumeurs du lac Supérieur habitent, au grand soleil, un poste qu’ils ont enlevé à une compagnie américaine de pelleteries. Plus habiles et plus grands dans leurs projets que nos voleurs européens, ils convoitent la possession et l’exploitation des terrains cuprifères de la pointe Kiouinâ, où je devais faire mes opérations, et ils veulent que je dirige leurs travaux !

Singulière destinée que la mienne, n’est-il pas vrai ? Poursuivons mon récit. Je restai donc seul vivant de