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Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/141

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— À la santé de Meneh-Ouiakon ! dit le Mangeux-d’Hommes, après avoir versé quelques gouttes de whisky dans sa coupe qu’il tendit à la jeune Indienne.

— À sa santé et à celle de notre brave capitaine ! beugla toute la bande, hommes et femmes.

Épouvantés par le tintamarre, les chiens poussèrent un long hurlement.

Cependant, Meneh-Ouiakon avait repoussé le gobelet du capitaine avec un geste de dégoût, et en murmurant quelques paroles que Dubreuil ne comprit pas, car elles avaient été prononcées dans un idiome indien.

Mais le Mangeux-d’Hommes les entendit sans doute : il fronça les sourcils, jeta sur Meneh-Ouiakon un regard sinistre et fit, du bras, un mouvement comme pour lui jeter le gobelet au visage. Pour elle, cette colère ne parut point l’émouvoir : debout, à deux pas du capitaine, l’œil provocateur, la lèvre dédaigneuse, elle semblait vouloir exaspérer plutôt qu’apaiser le courroux du chef des Apôtres.

Adrien Dubreuil se sentit frissonner pour cette créature si frêle, si belle, qui ne craignait point de braver ce monstre sanguinaire. Un instant, il crut que le colosse allait se ruer sur elle et la briser comme un roseau. Mais il n’en fut rien : Jésus laissa retomber son bras, éteignit sous leurs longues paupières le feu sombre qui brillait dans ses prunelles, et dit d’une voix sourde, après avoir