Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/173

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— Mes compagnons ! je les méprise, je les exècre ! répliqua Judas d’une voix sourde.

— Mais votre capitaine ?

— Jésus ! ne me parle pas de lui. Avant de quitter le fort, je me vengerai. Il m’a ravi l’amour de la seule femme que j’aie jamais aimée : mais, vois-tu, je lui enlèverai sa préférée, sa Meneh-Ouiakon…

Dubreuil tressaillit.

— Oui, poursuivit Judas, cédant au cours de ses passions comme un torrent, longtemps comprimé, qui a rompu ses digues, oui, oui, j’enlèverai Meneh-Ouiakon. Elle me suivra dans les vieux pays. J’en ferai ma femme, et le bonheur que j’ai attendu avec patience depuis tant d’années, luira enfin sur ma vieillesse.

Il se remit en marche en se frottant les mains, fit deux ou trois tours dans la chambre, et se rapprochant tout à coup de Dubreuil :

— Ainsi, dit-il, c’est convenu ?

— Mais je ne puis bouger de mon lit.

— Oh ! nous te transporterons dans un canot. Dans deux jours, j’aurai dépêché le capitaine chez le diable, dans huit au plus tard nous partirons. Souviens-toi de ton serment.

Là-dessus, Judas composa son maintien et sortit.

Quand le bruit de la porte qui donnait sur la cour eut annoncé que le lieutenant du Mangeux-d’Hommes était loin, Meneh-Ouiakon quitta sa cachette.