Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/221

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Cachée dans un épais hallier, la Nadoessis ne pouvait être aperçue. Elle jugea prudent d’attendre que l’Indien eût fini son chant pour se présenter et tâcher d’arracher le pauvre dragon à sa déplorable situation.

Le vieillard disait, en langue chippiouaise :

« Les visages-pâles, les chiens de visages-pâles ont égorgé mon père, mes frères et mes fils ; ils ont violé ma femme et mes filles ; leurs victimes crient depuis vingt hivers vengeance à mes oreilles, mais j’ai fait un captif, un captif blanc, mais je le brûlerai, mon captif, mon captif blanc, pour apaiser leurs mânes et en l’honneur de Nanibojou.

« Car Nanibojou a fait la terre[1]. »

Ces paroles, il les répétait sur tous les tons imaginables, en se démenant dans sa cabane comme un épileptique.

Las enfin de vociférer et de se désarticuler les membres, il prit un calumet, le bourra de tabac, et s’asseyant sur les talons, en face de Jacot, plus mort que vif, il se mit à fumer.

Meneh-Ouiakon alors se leva et entra résolûment dans le wigwam.

À sa vue, Godailleur fit un mouvement de joie. Mais elle lui adressa un signe pour qu’il se contînt.

  1. Nanibojou, appelé aussi Manabojou, est considéré comme le créateur du monde par plusieurs tribus indiennes.