Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous partîmes en canot et remontâmes vers l’ouest.

Le désir de m’évader s’empara d’abord de moi. Mais j’étais surveillé de près, et je savais que toute tentative d’évasion serait, sans miséricorde, punie de mort, si elle avortait. Où aller, du reste, au milieu de ce désert sans limite ? Que devenir ? Périr de faim, ou être scalpé par les Indiens, ou dévoré par les bêtes fauves.

Le lendemain de notre embarquement, je renonçai à cette idée et résolus d’utiliser le voyage, quel qu’il fût, au bénéfice de mon instruction.

À partir de ce moment, chaque fois que nous abordâmes, soit pour fumer une pipe[1], soit pour camper, j’étudiai la faune et la flore du pays.

Un soir, sur le bord d’une grande rivière qu’on appelle la Rivière-Brûlée, si j’en ai gardé la mémoire, je découvris une hutte abandonnée, puis une petite croix de bois, et au pied une fosse à demi couverts de mousse.

Dans la fosse gisait le cadavre d’un homme.

— C’est Cadieux ; c’est ce pauvre Cadieux ! cria l’Apôtre qui m’escortait.

— Qu’est-ce que Cadieux ? demandai-je.

Il me regarda avec plus d’étonnement que si je lui eusse demandé : « Qu’est-ce qu’un canot ? »

Je renouvelai ma question.

  1. Dans le langage des bateliers nord-ouestiers, cette locution exprime l’heure consacrée, chaque jour, vers le midi, pour se reposer à terre.