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Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/130

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dans la révolte et la critique. Une légion de femmes auteurs que ni l’aventure, ni l’action, ni l’utopie ne réussissaient heureusement à satisfaire, exploraient passionnément les questions de morale sexuelle, de mariage et d’amour, de droit et de religion, auxquelles ressort le destin de la femme, par conséquent de la famille et de l’humanité. C’est ainsi que de Sarah Grand à May Sinclair est née toute une littérature faiblement artistique, mais socialement puissante.

Mieux armés, plus forts, maîtres dans leur métier, John Galsworthy, puis maint jeune romancier, labourèrent le même champ et atteignirent plus loin en surface comme en profondeur.

D’autres, comme Arnold Bennett, les provinciaux, les paysagistes de la vie sociale, regardaient aussi chez eux, vers l’intérieur de la cité, et en rapportaient des documents plutôt que des instruments.

Tous, cependant, étaient des révolutionnaires. L’observation en apparence la plus désintéressée s’accompagnait d’une puissance invisible de désintégration. Tous continuaient la destruction de l’édifice empirique, utilitaire et victorien. L’Angleterre, au début du xxme siècle, a vécu dans une fièvre de disruption, dont, à lui seul, le roman suffirait pour témoigner.

Instrument d’une des plus rapides transformations morales et sociales qu’ait jamais subies un pays, il ne pouvait manquer de se modifier lui-même. Quand éclata la guerre, le moule de la fiction anglaise était en train d’éclater entre les mains de certains jeunes romanciers inspirés par l’amorphisme russe et une sorte d’anarchisme cosmopolite. Samuel Butler, Henry James, Romain Rolland, Gorki, Dostoïevski exerçaient en même temps des influences contradictoires sur ces novateurs sans chef