Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/20

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La fiction en prose date de bien avant le XVIIIme siècle, mais le roman anglais ne remonte point au delà. Tout ce qui est compris sous ce nom avant Defoe paraît avoir été d’importation étrangère. C’est seulement après lui, quand Richardson et Fielding eurent publié leurs œuvres, que l’Angleterre ayant, si l’on peut dire, créé sa marque, commença d’exporter, de conquérir, et à son tour répandit sur le monde le type nouveau qu’elle avait élaboré. Au moyen âge, les Normands avaient apporté de France aux Anglo-Saxons leurs histoires de chevalerie et leurs contes. Les récits épiques, venus de France ou conservés chez les Celtes des deux Bretagnes, firent plus que se reproduire. L’un des premiers livres imprimés en Angleterre fut A Book of the noble Historyes of King Arthur and of certen of his Knygktes, par Malory, qui sortit en 1495 des presses dé Caxton, et ne cessa d’être réimprimé jusqu’au XVIIme siècle. Les contes n’eurent point la même fortune. C’est par une « Utopie », c’est-à-dire par une satire sociale, que débute le roman anglais au XVIme siècle. Thomas More écrivait en latin. Rabelais écrivait en français vers le même temps une autre satire universelle, une autre Utopie infiniment plus vigoureuse et plus compréhensive, plus humaine. Il ne saurait être question d’assimiler ou même de comparer deux œuvres sans commune mesure. Mais il y a plus qu’une coïncidence dans cette annonciation simultanée du roman par « l’Utopie » tant en France qu’en Angleterre. La révolte de l’esprit contre l’époque n’est absente à aucun moment dans l’histoire de la fiction. Elle précède ou accompagne tous les réveils du genre, et les annonce par des œuvres retentissantes. More au XVIme siècle, Bacon au XVIIme, Swift au XVIIIme, Godwin au XIXme, Wells au XXme, sont les précurseurs d’un renouvellement de la fiction. La chaîne