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Miss May Sinclair

Miss May Sinclair est arrivée à la célébrité, vers 1904, par la publication de The Divine Fire, qui eut aux États-Unis un grand succès. Son avènement coïncide avec la transformation générale du roman (déjà signalée plusieurs fois, chez Henry James, H. G. Wells, J. Conrad, M. Hewlett) qui était alors en train de s’accomplir. Jamais l’Angleterre ne vit un éboulement politique comme celui qui se produisit après la guerre boër, quand toutes les forces radicales furent, une fois de plus, déchaînées. La mue du roman, à cette époque, est un phénomène analogue, et pas seulement une coïncidence.

Ce qui frappe d’abord, quand on lit à la suite les œuvres de Miss May Sinclair, c’est la prédominance chez les personnages principaux (presque tous féminins) de ce qu’il y a de plus élémentaire dans la nature, savoir : l’instinct physique de l’amour. Tous en sont hantés. C’est une obsession ; The Divine Fire, le feu divin, c’est aussi le feu humain, celui qui consume en purifiant.

Il n’y a pas ombre de brutalité, de sensualité, encore moins, bien entendu, de grivoiserie, d’excitation consciente ou malsaine, dans ces pages parfois brûlantes. Mais la voix éternelle du sexe s’y fait entendre sans répit. Une longue et lente clameur en émane, qui dit l’aveugle aspiration de l’être vers l’amour, ses péripéties, ses châtiments, ses illusions et ses désillusions. Depuis Jane Eyre, aucune femme n’exprima plus complètement l’instinct de la femme.[1]

  1. Miss May Sinclair a écrit un excellent livre sur les sœurs Brontë, oii elle les défend d’avoir exprimé la passion des amoureuses cultivées et non satisfaites. On croit, par endroits, entendre un plaidoyer. Miss