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Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/72

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les moyens d’en fournir l’explication. Il y eut, au début de sa vie, des circonstances qui ne sont pas encore suffisamment élucidées pour en faire état. Ce libre esprit, le moins teinté de germanisme, fut élevé en Allemagne sous la discipline des frères Moraves. Il revint à seize ans en Angleterre, épousa à vingt-deux ans la fille du romancier Thomas Love Peacock et, tant par économie, par nécessité, que par goût, vécut dès lors à la campagne, près de sa nouvelle famille, sans grand contact avec le monde. L’influence de son beau-père est loin d’être étrangère à sa formation, et mériterait une étude sérieuse. Ce n’est pas un pur hasard qui, pour toute leur vie, a fixé au sol deux des plus grands poètes et romanciers du dix-neuvième siècle en Angleterre, Meredith et Hardy. On verra, par exemple, que la terre est la commune inspiratrice de leur art et de leur philosophie, si radicalement différents qu’ils soient.

L’autre raison de l’isolement de Meredith, de la longue incompréhension dont il fut l’objet, c’est son style. Pour tout autre romancier, ce serait un paradoxe que d’examiner d’abord sous quelle forme, dans quel langage il s’est exprimé. Pour Meredith, c’est une nécessité. La première vertu de l’écrivain semble être de communiquer avec le public. Le premier soin de Meredith fut de s’en isoler par l’adoption systématique plutôt que naturelle — car il est capable, à l’occasion, de s’exprimer directement et clairement — d’un style qui exige l’initiation. Il a dû se créer un auditoire, forcer ses lecteurs à apprendre sa langue, et il ne lui a pas fallu moins que toute sa vie. Pour un étranger, même quand il sait l’anglais par l’origine et par l’histoire, par l’usage et par métier, la barrière est encore plus haute. Il faut l’excuser s’il ne la franchit pas toujours. Personne ne voudrait que Meredith écrivît