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Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/92

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« tranche de vie », de sale vie, qui ne convient ni au goût ni au tempérament britanniques. Deux ou trois seulement des œuvres issues de ce mouvement survécurent au succès de scandale qui les accueillit.

Les psychologues de l’école de Paul Bourget, de Henry James, réussissaient à se rendre non moins illisibles que les réalistes, car il n’y a pas plus de vertu vivante dans la mécanique mentale ou sentimentale que dans le mécanisme de la vie purement matérielle.

Par horreur, par effroi de toute cette horlogerie, certains comme Harland et Symons, plus tard Hewlett, se rejetaient vers un impressionnisme, un symbolisme qui n’a rien de commun avec la vie réelle, et n’offre en conséquence à la fiction qu’un aliment de fantaisie. D’autres se résignaient à la peinture désabusée du monde de misère où ils avaient vécu. George Gissing est le type de ces désespérés.

Il n’est pas étonnant que le goût public, sollicité, puis gagné par le charme et la haute qualité de Stevenson, se soit rejeté hors de cette grisaille vers la fiction d’aventures.

Si le malheur et le châtiment n’avaient arraché à Oscar Wilde vers la fin de sa vie un des plus beaux cris de l’éternelle souffrance, il serait probablement oublié déjà ; même comme poète. Ce n’est pas son roman : The Picture of Dorian Gray qui sauverait sa réputation littéraire. « J’ai écrit cela », disait l’incorrigible poseur, « en quelques jours seulement, parce qu’un de mes amis prétendait que je ne pourrais pas produire un roman. » Le livre fit du bruit à cause de l’atmosphère lascive dont il est pénétré. Mais il est impossible de le relire, sans ennui, trente ans après. On n’y trouve même pas cette richesse d’épigrammes qui distingue les « essais » d’Oscar