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JEAN-PAUL MARAT.

lites du despote, prêts au premier signal à égorger les patriotes ; qu’on se représente la tourbe innombrable des administrateurs et de leurs agents, prête à lacérer la déclaration des Droits, et dressant la liste des victimes à immoler ; les jugeurs royaux préparant des réquisitoires, ouvrant les cachots ou aiguisant le glaive de la vengeance. Puis, sur nos frontières de l’est et du sud, l’Autrichien, le Piémontais, le Napolitain, l’Espagnol, les émigrés français, en armes contre la France, et n’attendant que l’arrivée de Louis XVI pour commencer la guerre et le carnage. Et pour comble à tant de maux, les factions à l’intérieur ; dans les clubs, des bavards insipides incapables d’aucune mesure efficace ; partout des citoyens pusillanimes insouciants du péril ou terrifiés par la crainte ; une nation apathique et des patriotes qui semblent sourds à la voix de son plus fidèle défenseur.

On comprend que les ennemis de Marat lui aient fait de cette mesure politique la plus grave de toutes les accusations ; c’est que non-seulement ils avaient, comme ennemis publics, à en redouter l’institution un jour de triomphe populaire ; mais ce qu’ils redoutaient plus encore, c’est que cette fonction ne fût, à un moment, dévolue à l’inflexible ami du peuple. Aussi, que n’ont-ils pas dit pour chercher à établir que Marat était un ambitieux ; que ne diront-ils pas pour le traîner devant un tribunal, espérant le faire égorger avec le glaive de la justice.

Mais attendons les faits, et n’oublions pas que la dictature ne fut jamais proposée que dans des périls extrêmes, ce qui justifie la mesure comme essentiellement provisoire et réduit à néant cette sotte inculpation d’ambition personnelle attribuée à Marat. Nous l’avons