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IV LE COLPORTEUR

toires qui font éclat. Avec lui, la conversation passe du tour le plus’ naturel au plus inattendu. L’interlocuteur s’est mué soudain en héros, mais c’est bien la première fois qu’un satirique se présente à nous dépouillé de tout le pompeux appareil de la satire. On n’a point de peine alors à reconnaître la figure du conteur, malgré l’hilarité qui transforme sa face. On se l’imagine volontiers, en 1761, à l’apogée de son triomphe — si c’est un triomphe que se railler de la misérable espèce humaine. — C’est un homme encore jeune , au visage ouvert et coloré, au sourire amène. Il ne sait où il dînera, voire même s’il dînera ; que lui importe ! il se rit de la mauvaise fortune, des ministres bafoués, des exempts de police bernés, et il passe , le verbe frémissant aux lèvres. C’est un cynique, rien de plus. Comme La Morlière, comme le chevalier de Mouhy, comme tant d’autres, ses pareils, il a, pour unique ressource, l’imagination fertile, l’esprit éprouvé, l’expédient facile. Trente ans plus tard, joueur sans crédit à la loterie du hasard, mais audacieux quand même, la Révolution l’eût surpris sans le conquérir. Il est bien l’émanation de son temps. S’il a soulevé, sans scrupule, le voile d’une troublante et crapuleuse intimité, ce n’est point qu’il songeât à bouleverser le monde, mais bien plutôt à conquérir une place en son sein. Il n’eût point voulu d’autre régime !

La présente réimpression du Colporteur a été exécutée sur la première édition publiée, sans date, à Londres, chez Jean Nourse, un volume in-12. Nous l’avons augmentée de tous les éclaircissements propres à l'intelli-