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l6 LE COLPORTEUR

gique des Odes sacrées du président le Franc (1), et des Essais de Morale de l’Abbé Trublet. De pareils écrits, continua Brochure, feroient la fortune de nos apothicaires, et jamais les somnifères que ces Messieurs préparent, n’auront la vertu de ces livres soporatifs. — Laissons donc tout ce fatras, dit le Chevalier. — Ah ! puisque je vous ai endormi, répliqua le Colporteur, souffrez que je vous éveille ; lisez les Contes Moraux de M. Marmontel, vous y trouverez un préservatif contre l’assoupissement ; lisez, et vous ne bâillerez point, car j’ai mis de côté les Tragédies de cet auteur. — Ah ! la précaution est bonne, s’écria le Chevalier. — Voudriez-vous, poursuivit Brochure, jetter un coup d’œil sur les œuvres de Charles Palissot. — Voyons sa vision, répondit la Marquise, elle est aussi vraie que plaisante ; mais pour les ouvrages de cet infâme barbouilleur, ils ressemblent à ses mœurs. — En ce cas, repartit le Colporteur, je vais les reléguer dans mon magasin léthargique.

— « Ou’as-tu encore de plaisant, demanda le Chevalier ?

— Puisque vous voulez tout voir, répondit Brochure, jettez les yeux sur ce frontispice, et jugez, par le titre de cet ouvrage, du plaisir que la lecture doit vous en promettre. »

La Marquise, piquée de cette curiosité qu’on pardonne à son sexe, ouvrit le livre nouveau, et y lut ces mots :

« Recueil d’estampes choisies contenant les Portraits des Rois, Princes, Ministres, Courtisanes, Auteurs, Acteurs et Comédiennes célèbres, avec des vers au bas, analogues à leur Caractère. »

« Ceci pourroit être bon, » dit M me de Sarmé, à ces

(1) Jean-Jacques Le Franc de Pompignan (1700-1784), de l’Académie française.