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EN MER. 5

niques qui découpent avec une implacable dureté le bleu du ciel. Devant ce paysage d’enfer, l’eau parait plus fraîche et plus fluide, d’un vert plus tendre et plus délicat. A gauche, la terre d’Arabie, un désert éblouissant et pâle qui se fond au loin dans l’ondoiement blanc de la chaleur.

Noua partons presque tout de suite. Impossible de visiter Aden. D’ici, j’aperçois sur un chemin groupes de nègres superbes, drapés de rouge, d’un rouge brutal et victorieux dans cette lumière, flamboyant sur la noirceur du paysage ; des chameaux maigres, arides, balançant leurs fines têtes lippues avec une ondulation douce et hautaine : des files de petits mulets bibliques, deux soldats anglais, une raquette de tennis à la main. Tout ce monde avance sur une toute de cendre qui longe les roches carbonisées.

A bord, des juifs huileux, de figure avide et piteuse, pleurent pour nous faire acheter des plumes d’autruche. Avec une obstination tranquille et invincible, ils se collent à nous, ils nous enveloppent de leurs gestes tenaces et craintifs. Quel contraste entre ces physionomies lamentables de chiens battus et la gaieté des négrillons souples, au large rire blanc ! Leurs torses cambrés et dispos sont tout brillants de soleil. Un tout petit, cinq ans à peine, un bébé noir, avec des grimaces impayables, des gaucheries gracieuses de jeune chat, veut à toute