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DANS L’INDE.

II

10 novembre.

Au malin, nous traversons la ville, étonnante vide où l’on ne voit que de la verdure, où les plantes cachent les maisons. L’air est humide et très chaud, profondément pénétré de lumière moite.

Les rues sont les allées d’un grand jardin tropical. Les palmiers, les fougères, les ébéniers, les santals, la cannelle, le camphre, les ananas, les plantes aux sucs violents, les fleurs précieuses y sont chez elles, s’y épanouissent à l’aise, et de toute cette vie végétale sort partout le même grand parfum qui entête… On songe que cet été est éternel, que, sans arrêt, tous les mois, la chevelure sombre des grands cocotiers se couvre de ces fruits pesants, que cette terre rouge travaille incessamment, que toujours elle pousse en avant ce pullulement de larges fleurs, que toujours ces palmes ont la même splendeur souple et verte. Toutes les liges ondoient, s’enlacent : rien ne rappelle ici la croissance régulière et lente de nos arbres d’Europe. Les cocotiers ont un éclat et une mollesse de grandes herbes : on dirait d’énormes graminées fragiles, pliantes, tout humides de sève, qui auraient démesurément grandi dans une chaude nuit de juin.