Aller au contenu

Page:Chincholle - Dans l’Ombre, 1871.pdf/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 269 —

sa course graduellement croissante et disparut.

La foule se dispersa peu à peu. Mabel resta fiévreuse et tremblante, et se disant :

— Déjà dédaignée ! Ah ! sans doute il s’est laissé enivrer par les applaudissements de la foule. Il est si doux, pour un esclave surtout, de soulever de pareilles manifestations ; il est si doux d’entendre ces bruyantes admirations qui donnent l’espoir d’un meilleur sort ! Oui, Daniel a seulement oublié un instant son amour ; mais une fois en route, une fois seul avec ses souvenirs, il reconnaîtra ses torts, la cruauté de son dédain, et s’excusera demain par des regards plus brûlants.

Rentrée à la ferme, Mabel ne prit que le temps d’embrasser ses parents ; puis elle monta à sa chambre et mit à profit les leçons du pasteur qui avait fait son éducation, en écrivant quatre pages brûlantes, une paraphrase du Cantique des Cantiques, à l’adresse de son Daniel.

On dit que la nuit porte conseil : on a raison ; mais, au lieu de donner à Mabel le bon conseil de rester à la ferme, la perfide lui conseilla de retourner à la ville pour porter sa lettre à Daniel.