Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/146

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sement, il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable dévote. Je l’avoue, je cédai à un mouvement de jeune homme, & baisai cette lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l’heureux examen ; je retrouvai toutes mes lettres de suite, & par ordre de dates ; & ce qui me surprit plus agréablement encore, fut de trouver la première de toutes, celle que je croyais m’avoir été rendue par une ingrate, fidèlement copiée de sa main ; & d’une écriture altérée & tremblante, qui témoignait assez la douce agitation de son cœur pendant cette occupation.

Jusque-là j’étais tout entier à l’amour ; bientôt il fit place à la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprès de cette femme que j’adore ? quelle furie supposez-vous assez méchante, pour tramer une pareille noirceur ? Vous la connaissez : c’est votre amie, votre parente ; c’est madame de Volanges. Vous n’imaginez pas quel tissu d’horreurs l’infernale mégère lui a écrit sur mon compte. C’est elle, elle seule, qui a troublé la sécurité de cette femme angélique ; c’est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcé de m’éloigner ; c’est à elle enfin que l’on me sacrifie. Ah ! sans doute il faut séduire sa fille : mais ce n’est pas assez, il faut la perdre ; & puisque l’âge de cette maudite femme la met à l’abri de mes coups, il faut la frapper dans l’objet de ses affections.

Elle veut donc que je revienne à Paris ! elle m’y