Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sirs. Le mari rentra. Le désolé Vressac, qui n’avait plus la liberté de répondre, s’adressa à moi ; & après m’avoir fort longuement conté ses raisons, que je savais aussi bien que lui, il me pria de parler à la vicomtesse, & je le lui promis. Je lui parlai en effet ; mais ce fut pour la remercier, & convenir avec elle de l’heure & des moyens de notre rendez-vous.

Elle me dit que, logée entre son mari & son amant, elle avait trouvé plus prudent d’aller chez Vressac que de le recevoir dans son appartement ; & que puisque je logeais vis-à-vis d’elle, elle croyait plus sûr aussi de venir chez moi ; qu’elle s’y rendrait aussitôt que sa femme de chambre l’aurait laissée seule ; que je n’avais qu’à tenir ma porte entr’ouverte & l’attendre.

Tout s’exécuta comme nous en étions convenus ; & elle arriva chez moi vers une heure du matin,

Belle, sans ornements, ... Dans le simple appareil
D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil.
______________ Racine, tragédie de Britannicus.


Comme je n’ai point de vanité, je ne m’arrête pas aux détails de la nuit : mais vous me connaissez, & j’ai été content de moi.

Au point du jour, il a fallu se séparer. C’est ici que l’intérêt commence. L’étourdie avait cru laisser sa porte entr’ouverte, nous la trouvâmes fermée, & la clef était restée en dedans : vous n’avez pas d’idée de l’expression de désespoir avec laquelle la vicomtesse me dit aussitôt : « Ah ! je suis perdue ! » Il faut con-