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LES LIAISONS

peuvent y réussir comme moi. Il n’en est pas ainsi de l’entreprise qui m’occupe ; son succès m’assure autant de gloire que de plaisir. L’Amour, qui prépare ma couronne, hésite lui-même entre le myrte et le laurier, ou plutôt il les réunira pour honorer mon triomphe. Vous-même, ma belle amie, vous serez saisie d’un saint respect, & vous direz avec enthousiasme : « Voilà l’homme selon mon cœur. »

Vous connaissez la présidente de Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères.

Voilà ce que j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi ; voilà le but où je prétends atteindre :

Et si de l’obtenir je n’emporte le prix,
J’aurai du moins l’honneur de l’avoir entrepris.

On peut citer de mauvais vers, quand ils sont d’un grand poëte[1].

Vous saurez donc que le président est en Bourgogne, à la suite d’un grand procès (j’espère lui en faire perdre un plus important). Son inconsolable moitié doit passer ici tout le temps de cet affligeant veuvage. Une messe chaque jour, quelques visites aux pauvres du canton, des prières du matin au soir, des promenades solitaires, de pieux entretiens avec ma vieille tante, & quelquefois un triste whist, devaient être ses seules distractions. Je lui en prépare de plus efficaces. Mon bon ange m’a conduit ici, pour son bonheur et pour le mien. Insensé ! je regret-

  1. La Fontaine.