Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
LES LIAISONS

toujours contenu par le respect, & dont l’innocent aveu fut l’effet de la confiance et non de l’espoir ? La trahirez-vous, cette confiance que vous-même avez semblé me permettre & à laquelle je me suis livré sans réserve ? Non, je ne puis le croire ; ce serait vous supposer un tort, & mon cœur se révolte à la seule idée de vous en trouver un : je désavoue mes reproches ; j’ai pu les écrire, mais non pas les penser. Ah ! laissez-moi vous croire parfaite, c’est le seul plaisir qui me reste. Prouvez-moi que vous l’êtes en m’accordant vos soins généreux. Quel malheureux avez-vous secouru, qui en eût autant de besoin que moi ? ne m’abandonnez pas dans le délire où vous m’avez plongé ; prêtez-moi votre raison, puisque vous avez ravi la mienne ; après m’avoir corrigé, éclairez-moi pour finir votre ouvrage.

Je ne veux pas vous tromper, vous ne parviendrez point à vaincre mon amour ; mais vous m’apprendrez à le régler : en guidant mes démarches, en dictant mes discours, vous me sauverez au moins du malheur affreux de vous déplaire. Dissipez surtout cette crainte désespérante ; dites-moi que vous me pardonnez, que vous me plaignez ; assurez-moi de votre indulgence. Vous n’aurez jamais toute celle que je vous désirerais ; mais je réclame celle dont j’ai besoin : me la refuserez-vous ?

Adieu, madame, recevez avec bonté l’hommage de mes sentiments ; il ne nuit point à celui de mon respect.

De…, ce 20 août 17…