Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/107

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à leur esprit les parures qu’elles employaient avant pour leur figure. Celles-ci ont pour l’ordinaire le jugement très sain, & l’esprit à la fois solide, gai & gracieux. Elles remplacent les charmes séduisants par l’attachante bonté, & encore par l’enjouement dont le charme augmente en proportion de l’âge : c’est ainsi qu’elles parviennent en quelque sorte à se rapprocher de la jeunesse en s’en faisant aimer. Mais alors, loin d’être, comme vous le dites, rêches et sévères, l’habitude de l’indulgence, leurs longues réflexions sur la faiblesse humaine, & surtout les souvenirs de leur jeunesse, par lesquels seuls elles tiennent encore à la vie, les placeraient plutôt peut-être trop près de la facilité.

Ce que je peux vous dire enfin, c’est qu’ayant toujours recherché les vieilles femmes, dont j’ai reconnu de bonne heure l’utilité des suffrages, j’en ai rencontré beaucoup auprès de qui l’inclination me ramenait autant que l’intérêt. Je m’arrête là ; car à présent que vous enflammez si vite & si moralement, j’aurais peur que vous ne devinssiez subitement amoureux de votre vieille tante, & que vous ne vous enterrassiez avec elle dans le tombeau, où vous vivez déjà depuis si longtemps. Je reviens donc.

Malgré l’enchantement où vous me paraissez être de votre petite écolière, je ne peux pas croire qu’elle entre pour quelque chose dans vos projets. Vous l’avez trouvée sous la main, vous l’avez prise : à la bonne heure, mais ce ne peut pas être là un goût. Ce n’est pas même, à vrai dire, une entière jouissance : vous