Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’assurer que j’ai pleinement réussi dans mes projets. Oui, ma belle amie, j’ai déjà un premier indice que le mari de mon écolière ne courra pas le risque de mourir sans postérité, & que le chef de la maison de Gercourt ne sera à l’avenir qu’un cadet de celle de Valmont. Mais laissez-moi finir à ma fantaisie cette aventure que je n’ai entreprise qu’à votre prière. Songez que si vous rendez Danceny inconstant, vous ôtez tout le piquant de cette histoire. Considérez enfin que, m’offrant pour le représenter auprès de vous, j’ai, ce me semble, quelques droits à la préférence.

J’y compte si bien, que je n’ai pas craint de contrarier vos vues, en concourant moi-même à augmenter la tendre passion du discret amoureux, pour le premier & digne objet de son choix. Ayant donc trouvé hier votre pupille occupée à lui écrire, & l’ayant dérangée d’abord de cette douce occupation pour une autre plus douce encore, je lui ai demandé, après, de voir sa lettre ; & comme je l’ai trouvée froide & contrainte, je lui ai fait sentir que ce n’était pas ainsi qu’elle consolerait son amant, & je l’ai décidée à en écrire une autre sous ma dictée ; où, en imitant du mieux que j’ai pu son petit radotage, j’ai tâché de nourrir l’amour du jeune homme, par un espoir plus certain. La petite personne était toute ravie, me disait-elle, de se trouver parler si bien ; & dorénavant, je serai chargé de la correspondance. Que n’aurai-je pas fait pour ce Danceny ? J’aurai été à la fois son ami, son confident, son rival & sa maîtresse ! Encore, en ce moment, je lui rends le service de le sauver de vos liens dange-