Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/121

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l’amitié ! Il semble que ce doux sentiment s’embellisse & se fortifie chez elle de tout ce qu’elle refuse à l’amour. Si vous saviez comme elle vous aime, comme elle se plaît à m’entendre lui parler de vous !… C’est là sans doute ce qui m’attache autant à elle. Quel bonheur de pouvoir vivre uniquement pour vous deux, de passer sans cesse des délices de l’amour aux douceurs de l’amitié, d’y consacrer toute mon existence, d’être en quelque sorte le point de réunion de votre attachement réciproque, & de sentir toujours qu’en m’occupant du bonheur de l’une, je travaillerais également à celui de l’autre ! Aimez, aimez beaucoup, ma charmante amie, cette femme adorable. L’attachement que j’ai pour elle, donnez-lui plus de prix encore, en le partageant. Depuis que j’ai goûté le charme de l’amitié, je désire que vous l’éprouviez à votre tour. Les plaisirs que je ne partage pas avec vous, il me semble n’en jouir qu’à moitié. Oui, ma Cécile, je voudrais entourer votre cœur de tous les sentiments les plus doux ; que chacun de ses mouvements vous fît éprouver une sensation de bonheur ; & je croirais encore ne pouvoir jamais vous rendre qu’une partie de la félicité que je tiendrais de vous.

Pourquoi faut-il que ces projets charmants ne soient qu’une chimère de mon imagination, & que la réalité ne m’offre au contraire que des privations douloureuses & indéfinies ? L’espoir que vous m’aviez donné de vous voir à cette campagne, je m’aperçois bien qu’il faut y renoncer. Je n’ai plus de consolation que celle de me persuader qu’en effet cela ne vous est