Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/146

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cante ne couvre jamais qu’imparfaitement les premières avances qu’elles ont faites.

Ici, au contraire, j’ai trouvé une première prévention défavorable, et fondée depuis sur les conseils et les rapports d’une femme haineuse, mais clairvoyante ; une timidité naturelle et extrême, que fortifiait une pudeur éclairée ; un attachement à la vertu, que la religion dirigeait, et qui comptait déjà deux années de triomphe, enfin des démarches éclatantes, inspirées par ces différents motifs, et qui toutes n’avaient pour but que de se soustraire à mes poursuites.

Ce n’est donc pas, comme dans mes autres aventures, une simple capitulation plus ou moins avantageuse, et dont il est plus facile de profiter que de s’enorgueillir ; c’est une victoire complète, achetée par une campagne pénible, & décidée par de savantes manœuvres. Il n’est donc pas surprenant que ce succès, dû à moi seul, m’en devienne plus précieux ; & le surcroît de plaisir que j’ai éprouvé dans mon triomphe, & que je ressens encore, n’est que la douce impression du sentiment de la gloire. Je chéris cette façon de voir, qui me sauve l’humiliation de penser que je puisse dépendre en quelque manière de l’esclave même que je me serais asservie ; que je n’aie pas en moi seul la plénitude de mon bonheur ; & que la faculté de m’en faire jouir dans toute son énergie soit réservée à telle ou telle femme, exclusivement à toute autre.

Ces réflexions sensées régleront ma conduite dans cette importante occasion ; & vous pouvez être sûre