Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/259

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Mais quoi ! c’est lui… Je ne me trompe pas ; c’est lui que je revois. O mon aimable ami ! reçois-moi dans tes bras ; cache-moi dans ton sein : oui, c’est toi, c’est bien toi ! Quelle illusion funeste m’avait fait te méconnaître ? combien j’ai souffert dans ton absence ! Oh ! ne nous séparons plus, ne nous séparons jamais. Laisse-moi respirer. Sens comme mon cœur palpite ! Ah ! ce n’est plus de crainte, c’est la douce émotion de l’amour. Pourquoi te refuses-tu à mes tendres caresses ? Tourne vers moi tes doux regards ! Quels sont ces liens que tu cherches à rompre ? pour qui prépares-tu cet appareil de mort ? qui peut altérer ainsi tes traits ? que fais-tu ? Laisse-moi : je frémis ! Dieu ! c’est ce monstre encore ! Mes amies, ne m’abandonnez pas. Vous qui m’invitiez à le fuir, aidez-moi à le combattre ; & vous qui, plus indulgente, me promettiez de diminuer mes peines, venez donc auprès de moi. Où êtes-vous toutes deux ? S’il ne m’est plus permis de vous revoir, répondez au moins à cette lettre ; que je sache que vous m’aimez encore.

Laisse-moi donc, cruel ! quelle nouvelle fureur t’anime ? Crains-tu qu’un sentiment doux ne pénètre jusqu’à mon âme ? Tu redoubles mes tourments ; tu me forces de te haïr. Oh ! que la haine est douloureuse ! comme elle corrode le cœur qui la distille ! Pourquoi me persécutez-vous ? que pouvez-vous encore avoir à me dire ? ne m’avez-vous pas mise dans l’impossibilité de vous écouter comme de vous répondre ? N’attendez plus rien de moi. Adieu, monsieur.

Paris, ce 5 décembre 17…