Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/284

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reconnaître, je sens que je ne me consolerai jamais de sa perte : mais mon éternelle affliction sera la seule vengeance que je me permettrai de tirer de vous ; c’est à votre cœur à en apprécier l’étendue.

Si vous permettez à mon âge une réflexion qu’on ne fait guère au vôtre, c’est que, si on était éclairé sur son véritable bonheur, on ne le chercherait jamais hors des bornes prescrites par les lois & la religion.

Vous pouvez être sûr que je garderai fidèlement le dépôt que vous me confiez, mais je vous demande de m’autoriser à ne le remettre à personne, pas même à vous, monsieur, à moins qu’il ne devienne nécessaire à votre justification. J’ose croire que vous ne vous refuserez pas à cette prière, & que vous n’êtes plus à sentir qu’on gémit souvent de s’être livré, même à la plus juste vengeance.

Je ne m’arrête pas dans mes demandes, persuadée que je suis de votre générosité & de votre délicatesse ; il serait bien digne de toutes deux de remettre aussi entre mes mains les lettres de mademoiselle de Volanges, qu’apparemment vous avez conservées, & qui sans doute ne vous intéressent plus. Je sais que cette jeune personne a de grands torts vis-à-vis de vous ; mais je ne pense pas que vous songiez à l’en punir ; & ne fût-ce que par respect pour vous-même, vous n’avilirez pas l’objet que vous avez tant aimé. Je n’ai donc pas besoin d’ajouter que les égards que la fille ne mérite pas, sont au moins bien dus à la mère, à cette femme respectable, vis-à-vis de qui vous n’êtes pas