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DANGEREUSES.

mal, quelle jeune personne, dis-je, aurait pu résister davantage à de si coupables artifices ? Ah ! pour être indulgent, il suffit de réfléchir à combien de circonstances indépendantes de nous, tient l’alternative effrayante de la délicatesse ou de la dépravation de nos sentiments. Vous me rendiez donc justice, madame, en pensant que les torts de mademoiselle de Volanges, que j’ai sentis bien vivement, ne m’inspirent pourtant aucune idée de vengeance. C’est bien assez d’être obligé de renoncer à l’aimer ; il m’en coûterait trop de la haïr.

Je n’ai eu besoin d’aucune réflexion pour désirer que tout ce qui la concerne & qui pourrait lui nuire, restât à jamais ignoré de tout le monde. Si j’ai paru différer quelque temps de remplir vos désirs à cet égard, je crois pouvoir ne pas vous en cacher le motif ; j’ai voulu auparavant être sûr que je ne serais point inquiété sur les suites de ma malheureuse affaire. Dans un temps où je demandais votre indulgence, où j’osais même croire y avoir quelques droits, j’aurais craint d’avoir l’air de l’acheter en quelque sorte par cette condescendance de ma part ; & sûr de la pureté de mes motifs, j’ai eu, je l’avoue, l’orgueil de vouloir que vous ne puissiez en douter. J’espère que vous pardonnerez cette délicatesse, peut-être trop susceptible, à la vénération que vous m’inspirez, au cas que je fais de votre estime.

Le même sentiment me fait vous demander, pour dernière grâce, de vouloir bien me faire savoir si vous