Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/37

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terez bien de dire le reste ; mais je suis malheureuse autant qu’on peut l’être.

Ce que je me reproche le plus, & dont il faut pourtant que je vous parle, c’est que j’ai peur de ne m’être pas défendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait : sûrement, je n’aime pas M. de Valmont, bien au contraire ; & il y avait des moments où j’étais comme si je l’aimais... Vous jugez bien que ça ne m’empêchait pas de lui dire toujours que non ; mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais ; & ça, c’était comme malgré moi ; & puis aussi, j’étais bien troublée ! S’il est toujours aussi difficile que ça de se défendre, il faut y être bien accoutumée ! Il est vrai que ce M. de Valmont a des façons de dire, qu’on ne sait pas comment faire pour lui répondre : enfin, croiriez-vous que quand il s’en est allé, j’en étais comme fâchée, & que j’ai eu la faiblesse de consentir qu’il revînt ce soir : ça me désole encore plus que tout le reste.

Oh ! malgré ça, je vous promets bien que je l’empêcherai d’y venir. Il n’a pas été sorti, que j’ai bien senti que j’avais eu bien tort de lui promettre. Aussi j’ai pleuré tout le reste du temps. C’est surtout Danceny qui me faisait de la peine ! toutes les fois que je songeais à lui, mes pleurs redoublaient que j’en étais suffoquée, & j’y songeais toujours… Et à présent encore, vous en voyez l’effet ; voilà mon papier tout trempé. Non, je ne me consolerai jamais, ne fût-ce qu’à cause de lui… Enfin, je n’en pouvais plus, & pourtant je n’ai pas pu dormir une minute. Et ce