Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/64

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Je ne croyais guère être jamais dans le cas de revenir sur des souvenirs si éloignés de moi, & si étrangers à mon âge. Pourtant, depuis hier, je m’en suis vraiment beaucoup occupée, par le désir que j’avais d’y trouver quelque chose qui pût vous être utile. Mais que puis-je faire, que vous admirer & vous plaindre ? Je loue le parti sage que vous avez pris : mais il m’effraie, parce que j’en conclus que vous l’avez jugé nécessaire ; & quand on en est là, il est bien difficile de se tenir toujours éloignée de celui dont notre cœur nous rapproche sans cesse.

Cependant ne vous découragez pas. Rien ne doit être impossible à votre belle âme ; quand vous devriez un jour avoir le malheur de succomber (ce qu’à Dieu ne plaise !), croyez-moi, ma chère belle, réservez-vous au moins la consolation d’avoir combattu de toute votre puissance. Et puis, ce que ne peut la sagesse humaine, la grâce divine l’opère quand il lui plaît. Peut-être êtes-vous à la veille de ses secours ; & votre vertu, éprouvée dans ces combats pénibles, en sortira plus pure & plus brillante. La force que vous n’avez pas aujourd’hui, espérez que vous la recevrez demain. N’y comptez pas pour vous en reposer sur elle, mais pour vous encourager à user de toutes les vôtres.

En laissant à la Providence le soin de vous secourir dans un danger contre lequel je ne peux rien, je me réserve de vous soutenir & vous consoler autant qu’il sera en moi. Je ne soulagerai pas vos peines, mais je les partagerai. C’est à ce titre que je recevrai volontiers vos confidences. Je sens que votre cœur doit avoir