Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je vous le demande, qu’a-t-elle à faire pour y parvenir ? sinon de distinguer, pour elle, entre ce qui plaît & ce qui convient.

Ne serait-ce donc pas avilir l’autorité maternelle, ne serait-ce pas l’anéantir, que de la subordonner à un goût frivole, dont la puissance illusoire ne se fait sentir qu’à ceux qui la redoutent, & disparaît sitôt qu’on la méprise ? Pour moi, je l’avoue, je n’ai jamais cru à ces passions entraînantes & irrésistibles dont il semble qu’on soit convenu de faire l’excuse générale de nos déréglements. Je ne conçois point comment un goût qu’un moment voit naître, & qu’un autre voit mourir, peut avoir plus de force que les principes inaltérables de pudeur, d’honnêteté & de modestie ; & je n’entends pas plus qu’une femme qui les trahit puisse être justifiée par sa passion prétendue, qu’un voleur ne le serait par la passion de l’argent, ou un assassin par celle de la vengeance.

Eh ! qui peut dire n’avoir jamais eu à combattre ? Mais j’ai toujours cherché à me persuader que, pour résister, il suffisait de le vouloir ; & jusqu’alors au moins, mon expérience a confirmé mon opinion. Que serait la vertu, sans les devoirs qu’elle impose ? son culte est dans nos sacrifices, sa récompense dans nos cœurs. Ces vérités ne peuvent être niées que par ceux qui ont intérêt de les méconnaître ; & qui, déjà dépravés, espèrent faire un moment d’illusion, en essayant de justifier leur mauvaise conduite par de mauvaises raisons.

Mais pourrait-on le craindre d’un enfant simple &