Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/95

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le second courrier, c’est toujours la même lettre qui va & vient ; je ne fais que changer l’enveloppe. Si ma belle finit comme finissent ordinairement les belles, & s’attendrit un jour au moins de lessitude, elle gardera enfin la missive, & il sera temps alors de me remettre au courant. Vous voyez qu’avec ce nouveau genre de correspondance, je ne peux pas être parfaitement instruit.

J’ai découvert pourtant que la légère personne a changé de confidente : au moins me suis-je assuré que, depuis son départ du château, il n’y est venu aucune lettre d’elle pour madame de Volanges, tandis qu’il en est venu deux pour la vieille Rosemonde ; & comme celle-ci ne nous a rien dit, comme elle n’ouvre plus la bouche de sa chère belle, dont auparavant elle parlait sans cesse, j’en ai conclu que c’était elle qui avait la confidence. Je présume que d’une part, le besoin de parler de moi, & de l’autre, la petite honte de revenir vis-à-vis de madame de Volanges sur un sentiment si longtemps désavoué, ont produit cette grande révolution. Je crains encore d’avoir perdu au change : car plus les femmes vieillissent, & plus elles deviennent rêches & sévères. La première lui aurait bien dit plus de mal de moi : mais celle-ci lui en dira plus de l’amour ; & la sensible prude a bien plus de frayeur du sentiment que de la personne.

Le seul moyen de me mettre au fait, est, comme vous voyez, d’intercepter le commerce clandestin. J’en ai déjà envoyé l’ordre à mon chasseur ; & j’en attends l’exécution de jour en jour. Jusques-là, je ne puis rien