Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/97

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comme une seule idée fausse peut gâter le plus heureux naturel !

Enfin, ce n’est que samedi qu’on est venu tourner autour de moi, & me balbutier quelques mots ; encore prononcés si bas & tellement étouffés par la honte, qu’il était impossible de les entendre. Mais la rougeur qu’ils causèrent m’en fit deviner le sens. Jusque-là je m’étais tenu fier : mais fléchi par un si plaisant repentir, je voulus bien promettre d’aller trouver le soir même la jolie pénitente ; & cette grâce de ma part fut reçue de la sienne avec toute la reconnaissance due à un si grand bienfait.

Comme je ne perds jamais de vue ni vos projets ni les miens, j’ai résolu de profiter de cette occasion pour connaître au juste la valeur de cette enfant, & aussi pour accélérer son éducation. Mais pour suivre ce travail avec plus de liberté, j’avais besoin de changer le lieu de nos rendez-vous ; car un simple cabinet, qui sépare la chambre de votre pupille de celle de sa mère, ne pouvait lui inspirer assez de sécurité, pour la laisser se déployer à l’aise. Je m’étais donc promis de faire innocemment quelque bruit, qui pût lui causer assez de crainte pour la décider à prendre, à l’avenir, un asile plus sûr ; elle m’a encore épargné ce soin.

La petite personne est rieuse ; &, pour favoriser sa gaieté, je m’avisai, dans nos entr’actes, de lui raconter toutes les aventures scandaleuses qui me passaient par la tête ; & pour les rendre plus piquantes & fixer davantage son attention, je les mettais toutes sur