Page:Chodzko - Légendes slaves du moyen âge (1169–1237), 1858.djvu/103

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devons imiter à notre tour. Il y joignit le tableau émouvant du Jugement dernier et des tortures éternelles des pécheurs. Tous, les yeux mouillés de larmes et les oreilles encore remplies de ces instructives paroles, étaient pénétrés de sentiments d’espérance et d’amour, étonnés et émerveillés en même temps de l’éloquence douce et persuasive du saint. Celui-ci ne les congédia qu’après un repas, servi avec magnificence. Quelques jours après, le saint fit souvenir l’autocrate des devoirs qui rappelaient au mont Athos Sabba et les moines venus avec lui. À ces mots, la joie d’Étienne se change en tristesse. Il se met à pleurer amèrement, et avec tous ses seigneurs, il supplie le saint, disant : Ne nous quittez pas dans ce moment d’épreuves, ô notre saint père et frère ! Ne faites pas tristement descendre, avant le temps, mon âme au tombeau ! Pour Dieu et l’amour de notre père Syméon, restez ici, dans notre monastère de Stoudénitza, et soyez-y le chef de vos frères, non pas pour ajouter à votre gloire, mais afin de nous corriger de tous nos défauts, œuvre pour laquelle Dieu vous a envoyé ici. En effet, le saint lui-même, craignait que son absence n’amenât quelque désastre inattendu sur son frère. Or, entraîné par les nobles sentiments de son excellent cœur, qui militaient en faveur de la proposition, il se laissa fléchir et répondit : Que la volonté du Seigneur soit faite ! L’autocrate et tous ses seigneurs, ravis de joie, se sentirent aussi heureux que s’ils eussent gagné un immense trésor. Alors on convint que, sous ses auspices, le monastère serait nommé retraite (lavra[1]) de Saint-Syméon, et que désormais son chef serait revêtu de la dignité d’archimandrite. Tout cela s’accomplit par un effet de la divine Providence. On vit cette grande lumière éclairer les déserts, car on ne doit pas cacher le flambeau sous le boisseau. Et ainsi, petit à petit, les circonstances préparaient saint Sabba au grand siége archiépiscopal, dont les rayons bienfaisants devaient se répandre sur toutes les terres de la Serbie. En acceptant la direction de ce monastère, il ne changea en rien ni ses aspirations à la

  1. Lavra ou laura, nom originairement donné à un certain nombre de grottes ou cellules, dont plusieurs monastères de l’Égypte, de la Palestine et de la Syrie étaient environnés. Voy. Suicer, Thesaur. Eccles. II, p. 205, 218.